wild child ♣

Ses yeux d’un cuivré soutenu fusillèrent du regard le père qui se tenait face à elle, le pain dans sa main désormais ramolli sous son poing serré. Cornalia se sentait défaillir sous la colère, avait-elle bien entendu ce qu’il venait ne serait-ce que de mentionner à voix basse ? Son poult battait à une vitesse déraisonnable tant la fureur l’habitait. « Tant que la paralysie n’aura pas gagné mes quatre membres père, il ne sera jamais question de mariage arrangé. » « Comme tu viens de l’énoncer jeune fille, je suis ton père et je suis en droit de décider de ce qui est bon ou non pour ton avenir! » « Je vous arrête tout de suite, il n’y a aucun lien qui nous lie, pas même celui du respect, et peut-être que cela, personne ne le sait à Eagles Butte, mais chacune des personnes présentes à cette table en est consciente. » Elle laissa ses iris ambrée glisser sur le visage contrariée de sa grande sœur, avant de tourner les talons vers la sortie la plus proche, excédée. Elle s’apprêtait à pousser la porte en bois qui la maintenait enfermée dans ce ranch qu’elle détestait tant depuis la mort de sa mère quand une main puissante la retint par le bras, la faisant ainsi pivoter en sens inverse. « Je ne te permettrais pas de t’adresser à moi de cette manière si vulgaire tant que tu vivras sous mon toit, Cornalia. Est-ce bien clair ? » Elle sentit des larmes de rages emplir ses yeux, accentuant cette couleur si particulière qui les teintait. Se débattant dans un rugissement, elle parvint à délier son bras de l’emprise qu’exerçait son paternel, furibonde. « Il n’est pas question que je me plie à vos moindres caprices, Marshall. Je ne veux pas finir comme maman, et encore moins comme Clarence. » Cette dernière ne trouva pas le temps de geindre face à ces accusations que déjà la jeune fille s’élançait en courant dans le sentier qui bordait le ranch familial. Elle saisit les pans de sa robe entre ses doigts fins, accélérant la cadence afin de s’éloigner le plus rapidement possible de son enfer personnel. Elle aperçut son frère au détour d’un petit bosquet et se hâta de l’éviter, bifurquant à travers champs afin de rejoindre un endroit où elle pourrait demeurer seule avec elle-même. Elle courut ainsi de longues minutes, ses longs cheveux s’agitant follement sur ses épaules au rythme de sa course. Elle brassait de ses pieds les herbes hautes, la vue brouillée par ses larmes salées qui baignaient ses paupières et ses joues. Pourquoi craquait-elle ainsi ? Elle se pensait si forte, à vrai dire, elle était réputée dans Eagles Butte comme étant quelque peu sauvage et entêtée. Elle était de ces jeunes filles si rares à cette époque qui n’hésite pas à braver la voix des hommes pour imposer leurs choix. On la comparait souvent à un mustang, au détour d’une table du saloon de la ville : d’une beauté farouche et captivante, mais pourtant si dur à apprivoiser. Elle s’en sentait flatter, et était parfaitement consciente de l’attraction qu’elle exerçait auprès de la gente masculine, n’hésitant pas à s’en amuser les soirs de fêtes. Elle déboula finalement à toute allure sur le bord d’un ruisseau qui alimentait le petit bourg en eau. Essoufflée, elle posa sa main sur son cœur qu’elle menaçait de vomir à tout moment tant il lui faisait mal. Elle rejeta sa chevelure dans son dos, les faisant s’échouer sur ses reins avant de finalement s’approcher du bord du court d’eau, exténuée. Elle laissa son regard tomber sur son reflet, miroitant au soleil, et se perdit dans sa contemplation, songeuse. Elle n’eut guère le temps de ressasser ses démons que déjà, une voix qui ne lui était pas méconnue se fit entendre dans son dos, la faisant sursauter aussitôt. Elle fit face à celui qui venait de briser ce bref instant de solitude, toisant froidement cet idiot. « Laisses-moi tranquille Torren, ce n’est pas le moment. » L’arrogance de son sourire lui fit plisser le nez, lui, son ami d’enfance qui semblait aujourd’hui lui vouer une haine incommensurable. Ses motivations ? Il ne lui en avait jamais fais part, mais elle avait bien vite compris qu’il ne serait plus celui avec qui elle partageait la majeur partie de ses fous-rires autrefois. Elle préféra l’ignorer, saisissant de nouveau les pans de sa longue robe avant de dépasser le jeune homme, ne manquant pas de frôler son épaule. Il se tenait impérieux, le torse bombé et le menton haut, reflétant une fierté non-dissimulé qu’il se ne gardait pas d’étaler lorsqu’il croisait la jeune fille. Elle ne le comprenait pas, et ne cherchait plus de toute manière à comprendre un homme aussi puéril, ses sentiments d’adolescente en fleur définitivement flétries. Il ne manqua pourtant pas son poignet qu’il emprisonna sous sa paume fermement, la forçant à se stopper l’espace d’un instant. Elle n’en fit pourtant rien, plongeant ses deux iris incendiaires dans celles du jeune homme avant de libérer son poignet avec peine pour filer à toutes jambes, le cœur battant la chamade et l’amertume au bord des lèvres.